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Otarie club
7 mai 2012

Intégralement votre.

 

En tant que toute jeune diplômée de cette magnifique institution qu'est le permis moto, je me permet de vous donner à vous, novices du deux roues motorisé, un bref aperçu de ce qu'ont dû traverser ces fiers chevaliers des temps modernes pour en arriver où ils sont (dans le fossé).

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Avant, c'est comme ça que je voyais la moto. Mais ça, c'était avant.

D'abord la partie chiante comme la pluie : le permis moto s'étale sur 20h (en théorie, perso j'ai allègrement dépassé les 30) et se compose de deux épreuves. Le plateau où il faut évoluer hors circulation et la circulation où il faut évoluer … en circulation. Bien, tout ça a l'air très raisonnable me direz-vous et, il y a peu, j'aurai été entièrement d'accord avec vous, mais la réalité est toute autre ou, comme le dirait ce cher Fox Mulder, la vérité est ailleurs. Voici donc, en avant première, les impressions que notre très charmante et très intelligente reporter (moi-même) a recueilli sur le terrain, parfois au péril de sa vie.

Le plateau. Objet de la vie courante, généralement rond, il sert à porter des denrées alimentaires pour les amener d'un point A à un point B. Il s'épanouit en restaurant où il est très apprécié des serveurs à qui il apporte une aide considérable. C'est aussi la principale épreuve du permis moto et la hantise de tous ceux qui ont eu un jour des velléités de motocyclisme. Explication.

Toi, jeune fou, qui n'a jamais posé tes fesses sur un autre deux-roues que le vélo de ton cousin Paul, toi, jeune pucelle, chez qui la vue de ces tonitruantes machines du diable déclenchait immanquablement des petits gémissements de chatte effarouchée, toi, pour qui l'instinct de conservation a toujours été une notion très vague, oui, toi là, tu as un jour décidé d'engloutir tes économies dans autre chose que le dernier Iphone avec son application cafetière virtuelle qui te permet de nourrir tes Sims au Tassimo et tu t'ai acheté le permis moto. Permet-moi de te dire que tu vas vite regretter ton café pixellisé mais tu t'en rendra compte bien assez tôt. Plein de ta jeune insouciance, tu vas donc dans une auto-école où une charmante secrétaire à la langue bien pendue (elle a fait un BEP Coiffure, d'où sa volonté quasi obsessionnelle de meubler le vide avec des paroles, encore des paroles, toujours des paroles) qui t'expliquera ce qui t'attend et qu'il faut pas t'en faire, que le permis moto c'est finger in ze noise et autres considérations sur le temps qu'il fait et que la météo c'est plus ce que c'était ma bonne dame, etc. Rasséréné (et aussi un peu saoulé) par tant de blabla tu prend donc rendez-vous pour ton premier cours. Tu as franchi le point de non-retour, ton destin est scellé, si j'ose dire mais tu ne le sais pas encore. Tu vas ainsi plein d'un entrain tout juvénile à ta première leçon et rejoint le moniteur et tes compagnons d'infortune au garage pour récupérer les destriers avant d'aller au plateau.

Te voici donc en des lieux que tu apprendras rapidement à détester. Déjà, en tant que novice pur-jus tu y es arrivé en conduisant la voiture de l'auto-école alors que le moniteur pilotait TA moto. Un peu à la manière d'un parent maléfique qui agiterait un jouet sous le nez d'un enfant avant de le lui retirer aussi sec. Te voici donc, fulminant, humilié devant tes camarades qui, eux, ont eu le droit de venir avec leurs joulies machines, prêt à en voler une s'il le faut. Fort heureusement pour la virginité de ton casier judiciaire, le moniteur t'installe au guidon, moteur éteint (roooh). Les présentations commencent :

- Alors, là c'est l'accélérateur, le frein, l'embrayage. Là, au pied, c'est le sélecteur de vitesse, de l'autre côté c'est le frein arrière.

- Ah, il y a deux freins ?

- Bien sûr, et il faut répartir le freinage entre les deux. 70 % à l'avant et 30 % à l'arrière.

- Gnéé ? (notre envoyée spéciale a la vivacité du mollusque à 8h du matin. NDLA)

- T'inquiètes, on s'y fait.

- Admettons. (Trad : cause toujours). Et pour les vitesses, faut lever ou descendre le sélecteur ?

- Alors, c'est un peu particulier (ben tiens). Pour la première il faut baisser et pour les autres il faut lever. Et le point mort est entre la première et la deuxième.

- Humm, ouuuii. C'est une blague ?

- Non, non, c'est comme ça sur toutes les motos.

- Les constructeurs de motos sont des put... pitres.

- Bah, t'inquiètes, on s'y fait (bon, à ce moment là, on se fait à tout, même aux tournantes dans les caves d'un HLM, n'empêche que si on peut les éviter …). Et arrête de tripoter cette poignée, c'est l'autre qui tourne.

- Ah. Et la marche arrière, elle est où ?

- Hahaha … Heu ...tu ne plaisante pas ? Ben, heu, y en a pas.

- Ah.

Vous l'aurez compris, à ce moment là, le moniteur et moi-même envisagions sérieusement de mettre fin à nos jours et la suite nous apprendra que nous aurions dû saisir à la volée cette chance qui nous était offerte.

Durant les quelques minutes qu'ont duré cette affligeante conversation, je surveillais du coin de l'œil les autres élèves qui charriaient des plots et autres piquets en quantité industrielle comme autant d'employés de la DDE dopés (bah, oui, ils bossaient tous) tout en me demandant en mon for intérieur si je n'étais pas tombée sur une curieuse secte de motards/employés municipaux qui n'auraient eu d'autres buts dans la vie que de conduire des motos en portant des plots, ou de conduire des plots tout en portant des motos, ce n'était pas très clair dans ma tête. Une fois leur labeur terminé, les protagonistes eurent tôt fait d'enfourcher leurs machines (avec une grâce toute relative) et de s'engouffrer dans les labyrinthes ainsi créés, au ralenti, sur des motos toutes cahotantes, tant une moto c'est pas fait pour rester au ralenti. Sans déconner, si je n'avais pas depuis longtemps deviné que je devrai aussi en passer par là, je me serai volontiers foutu d'eux parce que ça vaut quand même le coup d'œil des motards tout équipés (blousons, casques, gants, pantalons, la totale) sur de joulies motos toutes rutilantes en train d'avancer à la vitesse d'une tondeuse tout en se contorsionnant pour ne surtout, surtout pas toucher un plot de 15 cm de haut. Malheureusement, le moniteur ne me laisse pas profiter du glorieux spectacle qui se déroule à quelques mètres de nous et m'enjoint à démarrer la moto puis à passer la première. Et là, le drame. La machine, bien que toute jeune, fait un bruit curieux du genre « tchong » et sursaute d'une manière inquiétante entre mes frêles jambes flageolantes. Persuadée, d'avoir cassé la moto et à deux doigts d'insulter le pauvre homme pour m'avoir demandé de faire cette belle connerie que de passer une vitesse, je me tourne vers le moniteur qui lit dans mon regard implorant toute l'ampleur de mon désarroi, aussi me rassure-t-il aussitôt « C'est normal, ça fait ça sur toutes les motos, mais c'est juste pour la première, les autres passent normalement ». Et là, je me demande ce qu'il a bien pu se passer dans la tête du bonhomme qui a un jour décrété que les motos feraient dorénavant une mini crise d'épilepsie au passage de la première. Au jour d'aujourd'hui, je ne le sais toujours pas. Faisant fi de mes appréhensions, le bourreau qui me tient lieu de moniteur me demande alors d'avancer en première au ralenti, puis de me réarrêter quelques mètres plus loin. Il ne se doute pas une seule seconde du vide incommensurable qui se loge entre mes deux oreilles. Je suis incapable de situer l'embrayage malgré ses explications, je suis à peu près sure que c'est la poignée de droite qui accélère mais ça demande vérifications et je n'envisage même pas une seule seconde de relever les pieds pour actionner le frein arrière. Mais,comme un brave petit soldat, je ferme ma gueule et m'exécute. Et ça ne loupe pas, la moto bondit en avant dans un grognement guttural (enfin, c'est comme ça que je l'ai ressenti, en vérité on a pas du dépasser la vitesse d'un homme qui marche), terrorisée, j'empoigne le frein avant et pile, la moto bascule doucement sur le côté et nous partons toutes deux au tas dans un bel ensemble dont certains cascadeurs devraient prendre de la graine. Voilà pour la petite anecdote du premier cours, si vous vous demandiez à quoi servent les arceaux soudés sur les motos d'école, sachez que c'est pour éviter d'avoir à en racheter une toutes les semaines à cause de tanches comme moi. La suite s'est déroulée sans incident notable, j'ai continué à faire des aller-retours épileptiques, les autres ont continué à tourner autour des plots pendant deux heures, bref, une bonne tranche de marrade.

Plus tard (comprendre 4 heures de cours et plusieurs chutes après), j'ai enfin pu rejoindre le groupe de ceux qui maitrisent suffisamment pour faire des slaloms à 5km/h (que de chemin parcouru !). C'est ainsi que j'ai découvert le parcours lent. C'est un slalom tarabiscoté dans lequel on s'engage sur une moto au ralenti et dont il faut ressortir sans toucher les plots. La force gyroscopique étant ce qu'elle est, plus une moto va vite, plus elle tiendra facilement droite. Autant vous dire qu'à 5km/h, c'est comme tenir en équilibre sur un rondin de bois qui roule (nos amis les japonais et leurs jeux télévisés ridicules savent de quoi je parle). S'ensuit alors une formidable partie de bowling avec la moto dans le rôle de la boule, des strikes, des chutes (à ce propos, ne JAMAIS freiner quand la roue avant n'est pas droite, sachez-le ça pourra vous servir) et des déceptions. Heureusement, comme impossible n'est pas français, j'ai fini par maitriser cet art de l'équilibre précaire qui emprunte au cirque quelques-unes de ses techniques légendaires et qui ne sont vraisemblablement pas sans rapport avec le ridicule affiché des clowns.

moto_en_situation

On dirait pas mais, là, il fait une pointe à 10 km/h. Le fou !

Mais le permis A ne saurait se limiter à cet exercice de patience, que dis-je, de pugnacité et comprend une autre épreuve : le parcours rapide. Le but étant de faire un slalom (oui, encore, ceux qui ont mis en place ces épreuves vouent une passion inavouées aux plots, je ne vois pas d'autres explications. C'est bien simple, s'il m'arrive un jour de croiser un chantier sur la route, je … je ne sais pas si je pourrais me retenir.) dans un délai imparti (entre 19 et 22 secondes. 3 secondes de marge, sympa les mecs). Alors comprenez ces pauvres motards mesdames et messieurs, dès le début de leur apprentissage ils ont un chrono à faire, ils ne comprennent tout simplement pas pourquoi plus tard ils n'ont pas le droit « d'essorer la poignée » comme on aime à le dire dans les bars PMU où se rassemblent ce genre d'individus. Ma témérité étant ce qu'elle est, c'est l'étape qui m'a donné le plus de fil à retordre puisque, comme chacun sait, plus on va vite et plus la chute est rude mais aussi, et c'est moins connu, plus on va vite, plus on dégomme de plots. Et à chaque fois il faut faire demi-tour, arrêter la bécane, la mettre au point mort (il n'y a pas d'indicateur du rapport engagé, juste une lumière qui s'allume quand tu es au point neutre et qui, parfois, ne s'allume même pas, ô joie), descendre de la machine, aller chercher le plot qui a volé dans le champs voisin, le remettre à son emplacement, récupérer la bécane, faire demi-tour et finir par rejoindre le moniteur qui t'expliquera pour la centième fois qu'il faut tourner plus tôt, bordel de mer... mercredi !!! Et toi de prendre un air penaud en disant que oui, oui, tu vas essayer. Et la fois d'après, rebelote, à la différence que tu n'a pas fait faire le baptême de l'air à un, mais à deux foutus plots que tu devra aller chercher dans les broussailles environnantes. Viennent ensuite les heures bénies où tu parviens à passer le parcours lent et le parcours rapide sans fautes et dans les temps et où l'avenir te sourit. Tu es présenté à l'examen que tu réussis de justesse mais tu t'en fous, tu l'as EU. Tu inaugures, sous le regard médusé de l'examinateur, une nouvelle danse de la victoire qui ne choque pas plus que ça ton moniteur parce qu'il commence à te connaître maintenant.

Puis viennent les heures de conduite. On t'assure à la moto-école que seulement 4 heures seront nécessaires, ce à quoi tu émets de sérieux doutes au regard des difficultés que tu as eu jusqu'à maintenant. Mais, non, non, ne t'inquiètes pas, 4 heures c'est largement suffisant, surtout si tu as déjà le permis B. Et, effectivement, c'est suffisant. On a rien fait. On a roulé sur la route en évitant les difficultés majeures, on s'est dévissé la tête pour bien montrer à l'examinateur qu'on faisait les angles morts. On a appris à se méfier des autres conducteurs qui sont des manchots aveugles et sourds, doublés de schizophrènes avérés. Et j'ai eu ce put... de permis. MAIS, je ne sais pas mettre une moto sur béquille centrale, je ne sais pas faire un démarrage en côte (le frein et l'accélérateur doivent être actionnés avec la même main. Je vous laisse réfléchir au problème que ça pose), je ne sais pas graisser la chaîne, et plein d'autres petites choses qui me serviront probablement un jour où l'autre. En revanche, je sais slalomer entre des plots dans un délai imparti extrêmement court. Me voici prête à partir à la conquête du monde au guidon de ma machine et, je vous préviens, aucun plot, aucun piquet ne saura m'arrêter. Jamais.

reforme-permis-moto-2013_hd

 Je vous jure que c'est pas sain, tous ces plots.

 

 

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Commentaires
O
Merci bien. Ne croyez jamais les témoignages qui vous soutiennent que c'est facile, c'est de la propagande. Surement un coup des communistes ...
L
Et dire qu'un jour, dans mes rêves les plus fous, j'ai pensé m'inscrire à cet examen....<br /> <br /> Y a pas à dire, l'abstention est parfois une bonne chose.<br /> <br /> Bravo en tout cas pour ce reportage sur le vif !
O
Une offre bien urbaine, et qui t'honore. Si je viens je tacherai de vous ramener quelques foetus ;-)
F
Heureux de voir que tu nous comprends ^^ Eh bien écoute, je te souhaite une bonne nuit et espère te voir débarquer bientôt dans nos contrées accueillantes (l'offre des plots tient toujours)
O
Ah, je suis rassurée, j'ai eu peur un instant que tu fasses du communautarisme mais vous êtes juste des gens charmants avec un goût prononcé pour la chair humaine. Rien de bien méchant, en somme (heu, en Loire ... Ok je sors).
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